Par Anne Guion
François Soulage, président du Secours catholique, réagit à notre sondage* sur le vote des catholiques et le rôle des questions de société telles que l’euthanasie et le mariage homosexuel sur leur décision. 40% des catholiques pratiquants et seulement 25% des pratiquants occasionnels jugent que ces sujets ont joué un rôle important sur leur vote.
Comment réagissez-vous à notre sondage ?
D’abord, je me suis dit qu’il était dommage que vous n’ayez interrogé les catholiques que sur l’euthanasie et le mariage des homosexuels. Surtout, ces résultats sont un mauvais signe pour l’Eglise catholique. Ils montrent un extraordinaire décalage entre les catholiques pratiquants réguliers et les catholiques pratiquants occasionnels. Ces derniers réagissent pratiquement dans la norme de la société française concernant l’euthanasie et le mariage homosexuel. Cela veut dire que ceux-ci n’ont pas vu la dimension anthropologique et sociétale de ces questions. Cela me paraît grave. Ceux qui se sont déterminés en fonction de ces questions sont les plus conservateurs. Les catholiques occasionnels ne se sont pas saisi de ces questions et n’en ont pas vu la portée. Ils ne semblent pas avoir été touchés par le discours de l’Eglise catholique, sans doute trop conservateur, en décalage avec la société. Or, si nous ne voulons pas que le nouveau gouvernement apporte des solutions trop rapides à ces questions fondamentales, il faut arriver à mobiliser ces pratiquants occasionnels sur le devenir anthropologique de l’homme. Ce n’est pas une question de morale conservatrice ! J’ai moi même voté pour François Hollande et hier, j’étais avec des amis prêtres et nous avons fêté ensemble la victoire. Mais très vite, nous nous sommes dit qu’il allait falloir mobiliser et se battre sur ces questions.
Le vote massif (79%) pro Nicolas Sarkozy des pratiquants vous a-t-il surpris ?
Je m’attendais à 65, 70 % , un score classique, mais 79%, c’est beaucoup ! Cela veut dire, si l’on fait un calcul que, les catholiques qui ont voté Le Pen au premier tour ont voté Sarkozy au deuxième. Concernant l’immigration, il me semble que la masse des catholiques n’a pas entendu le discours de leurs évêques. Sur le respect de la vie à ses débuts, lorsque j’entends des gens dire qu’on ne peut pas accepter qu’une femme avorte, je leur réponds, alors acceptez que cette femme soit accompagnée tout au long de sa vie ! Comment accepter que cette femme soit abandonnée ? Même chose dans les pays en développement : comment accepter que l’on exploite des enfants pour construire des Iphone, que l’on utilise ici ? Le “respect de la vie” sans respect “tout au long de la vie” pour les hommes et les femmes en France et dans le monde entier, c’est de l’hypocrisie !
Les catholiques ont semblé particulièrement divisés lors de cette élection, avec des positions très arrêtées…
Il y a eu un certain clivage. J’ai ressenti une poussée à gauche au Secours catholique. Les bénévoles qui travaillent avec les migrants n’en pouvaient plus du discours d’exclusion de Sarkozy. Il a été parfois difficile de discuter avec certains catholiques.
J’aurais préféré que les évêques parlent plus. Ils n’ont pas assez tenu compte du débat parmi les catholiques. Nous manquons d’une parole forte.
Anne Guion – 7 Mai 2012
*Consulter le sondage de La Vie en cliquant ci-après : 79 % des catholiques pratiquants ont voté pour Sarkozy
En savoir plus : article de Stéphanie Le Bars (Le Monde) téléchargeable en pdf ci-après : CathosetVoteSarko-Monde07.05.12