Un petit peu d’Histoire pour rappeler d’où nous venons…
C’est la loi du 6 juillet 1880 qui a établi que « La République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle » en évoquant à la fois la prise de la Bastille en 1789 la Fête de la fédération, le 14 juillet 1790, érigée en « symbole de l’union fraternelle de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français dans la liberté et l’égalité ».
Il s’agissait d’installer durablement la République. Le souvenir de La Commune de Paris (Mars-Mai 1871), où le peuple ouvrier fut massacré par les Versaillais – 20.000 morts et près de 10.000 déportations en Nouvelle-Calédonie – qui avaient préféré pactiser avec l’Allemagne par peur de la révolution sociale, était présent dans les débats de 1880 sur le 14 juillet. Quatre jours après l’adoption de la loi sur la Fête nationale, le Parlement vota l’amnistie pour les condamnés de la Commune.
Les deux faits sont donc liés : la Fête nationale à la date anniversaire de la prise de la Bastille et la réintégration des Communards proscrits dans la vie publique.
C’est le contexte dans lequel se situe le discours de Victor Hugo au Sénat, qui est reproduit ci-après.
Lithographie anonyme où Marianne porte un bonnet phrygien, attribut révolutionnaire qui, officiellement, est encore interdit, depuis une circulaire de 1872. En arrière-plan à gauche, on distingue le bateau La Loire qui assure la liaison avec la Nouvelle-Calédonie et, donc, le retour des communards déportés parmi lesquels Louise Michel.
Victor Hugo. Troisième discours au Sénat pour l’amnistie.
Séance du 3 juillet 1880.
« J’appellerai seulement votre attention sur un fait. Messieurs, le 14 juillet est une fête ; votre vote aujourd’hui touche à cette fête. Quelle est cette fête ? Cette fête est une fête populaire. Voyez la joie qui rayonne sur tous les visages, écoutez la rumeur qui sort de toutes les bouches. C’est plus qu’une fête populaire, c’est une fête nationale. Regardez ces bannières, entendez ces acclamations. C’est plus qu’une fête nationale, c’est une fête universelle. Constatez sur tous les fronts, anglais, espagnols, italiens, le même enthousiasme ; il n’y a plus d’étrangers.
Messieurs, le 14 juillet, c’est la fête humaine. Cette gloire est donnée à la France, que la grande fête française, c’est la fête de toutes les nations. Fête unique. Ce jour-là, le 14 juillet, au-dessus de l’assemblée nationale, au-dessus de Paris victorieux, s’est dressée, dans un resplendissement suprême, une figure, plus grande que toi, Peuple, plus grande que toi, – l’Humanité !
Oui, la chute de cette Bastille, c’était la chute de toutes les Bastilles. L’écroulement de cette citadelle, c’était l’écroulement de toutes le tyrannies, de tous les despotismes, de toutes les oppressions. C’était la délivrance, la mise en lumière, toute la terre tirée de toute la nuit. C’était l’éclosion de l’homme. La destruction de cet édifice du mal, c’était la construction de l’édifice du bien. Ce jour-là, après son long supplice, après tant de siècles de torture, l’immense et vénérable Humanité s’est levée, avec ses chaînes sous ses pieds et sa couronne sur sa tête.
Eh bien, messieurs, ce jour-là, on vous demande de le célébrer de deux façons, toutes deux augustes. Vous n’y manquerez certainement pas. Vous donnerez à l’armée le drapeau, qui exprime à la fois la guerre glorieuse et la paix puissante, et vous donnerez à la nation l’amnistie, qui signifie concorde, oubli, conciliation, et qui, là-haut, dans la lumière, place au-dessus de la guerre civile la paix civile.
Le 14 juillet a marqué la fin de tous les esclavages. Ce grand effort humain a été un effort divin. Quand on comprendra, pour employer les mots dans leur sens absolu, que toute action humaine est une action divine, alors tout sera dit, le monde n’aura plus qu’à marcher dans le progrès tranquille vers l’avenir superbe.
Messieurs, ce sera un double don de paix que vous ferez à ce grand pays : le drapeau, qui exprime la fraternité du peuple et de l’armée ; l’amnistie, qui exprime la fraternité de la France et de l’humanité.
Rendons grâce à la République. »
Source :
http://www.histoire-image.org/media/media.php?i=546&m_enreg=1
Pour en savoir plus :
Lire le TEXTE d’Edwy PLENEL publié le 17 juillet 2011 ” En défense d’Eva Joly : leur 14-Juillet et le nôtre” accessible à l’adresse ci-après, incluant des DOCUMENTS SONORES (chansons et textes de : Georges Brassens, JacquesPrévert, Boris Vian etc.).
http://www.mediapart.fr/article/offert/3d8838a29839430c0a4ebfc1f8a94f36